Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

And They're Off !!

And They're Off !!

chroniques sur les courses hippiques de tous temps.


Born To Sea.

Publié par And They're Off sur 11 Septembre 2012, 19:11pm

Born To Sea.

Born To Sea.

Le vilain petit canard.

Le 02 mars 2009, Urban Sea mettait au monde un frêle poulain bai, son dernier prodige. A peine eut elle le temps de lui dire qui il était, qu'elle s'éteignait, victime de complications à l'accouchement.
Born To Sea connu donc un début de vie bien difficile. Sa mère d'adoption lui était dévouée corps et âme, mais elle ne put jamais lui transmettre cet héritage si riche et le poulain grandit dans l'ignorance.

Quand Born To Sea sortit du van, John Oxx était là pour l'accueillir. Le poulain le dévisagea : ses yeux brillaient. On l'observa marcher, on le fit tourner, on caressa son poil étincelant. Le poulain sentait la tension, l'engouement. On le mena dans son box parsemé de paille fraiche. L'odeur lui chatouillait les naseaux. Il se sentait bien. Il sortit la tête et huma l'air. Un camion s'avança dans la cour. Un cheval en sortit à son tour, calme. On le fit pénétrer dans le box voisin. Born To Sea piaffait. Il tendit le cou vers son nouvel ami qui mâchouillait nonchalamment quelques brins de foin. Celui-ci lui frôla les naseaux en signe de bienvenue.
" Alors c'est toi le champion ?" Lui dit-il tout en continuant de mâcher.
Le champion. C'est quoi un champion ? Maman m'a dit : " Soit fort. Soit courageux. " C'est quoi le courage ? Pourquoi ils me regardent tous avec leurs grands yeux ?
Born To Sea observait les allées et venues. Tous ralentissaient lorsqu'ils passaient devant lui. Certains échangeaient quelques mots. On disait de lui qu'il était aussi beau que son frère, qu'il avait une petite tête maligne.
C'est qui mon frère ? Pourquoi tant d'attention ?
Born To Sea était perdu, restant sans réponses. Tout ce que son nouvel ami avait pu lui dire, c'était qu'il était issu d'une grande famille, mais il ignorait tout de son frère, lui aussi.

Les mois passèrent. L'entraînement était devenu une habitude. Born To Sea aimait galoper le matin avec ses copains. Un jour, qu'il se sentait plein de joie, il se laissa aller et avala la piste.
Une semaine plus tard, on l'embarquait dans un camion.
Son ami lui souhaita bonne chance pour la course. La course ? On y est ? Le poulain bai était enthousiaste.

Un nouveau box, une nouvelle piste. Tout était nouveau pour lui. Un homme s'avança vers lui. Il était vêtu de jaune. On le hissa sur son dos et il se laissa guider vers la piste verdoyante. L'homme était gentil, la main douce. Comme à l'entraînement, il pénétra dans sa stalle. Ils avaient répété l'exercice des dizaines de fois le matin, le poulain était prêt. Son jockey lui caressait l'encolure tandis que ses semblables entraient un à un. Et puis il sentit son cavalier se tendre légèrement, se positionner sur son dos, rassemblant ses rênes. Et les portes s'ouvrirent. Immédiatement, Born To Sea s'élança, en appuie sur ses postérieurs. Son jockey fit pression dans sa bouche, le retint, le posta derrière les autres. Il restèrent là, galopants avec calme. Et puis son cavalier s'agita un peu, et le plaça dans le sillage d'un autre poulain. Ils durent attendre, usant de patience, car Born To Sea restait derrière un mur. Soudainement, une petite brèche se fit. Le poulain bai accompagna bien volontiers le mouvement de son cavalier et s'y engouffra, heureux de pouvoir étendre ses jambes. Il allongea son encolure, flottant vers l'intérieur de la piste, oscillant, tout en accélérant. Il regarda ses congénères. Il croisait leur regard, puis ne les vit plus. Il était devant. Aussitôt, son jockey se redressa sur ses étriers et Born To Sea comprit qu'il avait gagné.

A l'écurie, on continuait à le regarder avec insistance. Son ami l'accueillit par des hennissements de joie, le félicitant. Le poulain était fier, il se sentait déjà champion. Après tout, il avait gagné !

Un mois plus tard, il s'élança pour sa deuxième course. Encore une nouvelle piste. Le terrain lui collait les sabots, Born To Sea n'était pas vraiment à ses aises. Quand deux de ses copains le laissèrent en plan, tout à coup, il paniqua un peu. Mais l'homme sur son dos, lui, était calme et ça le rassura. Il se retrouva à mener les autres chevaux. Course bien différente que la précédente ! Il sentait le souffle d'un concurrent sur sa croupe. Il n'était pas serein. Dans le dernier tournant, les deux fuyards revenaient vers lui, doucement. Il allait mieux qu'eux, et ça lui donnait du courage. Mais le sol continuait à s'accrocher à ses sabots et lorsque son jockey lui demanda de fournir un effort, il se débattit contre cette boue, montant haut les genoux, s'arrachant à chaque foulée. Le poulain qui lui chatouillait la croupe, lui, galopait avec tranquillité, les foulées fluides. Il n'y eut même pas de lutte, il caressait la piste avec aisance. Born To Sea le laissa passer avec dégoût. Il se sentait honteux. Mais il ne pouvait rien faire.
Et puis, il avait mal. Il avait trop voulu en faire, il s'était trop battu contre le terrain. Son pied lui faisait mal.

S'en suivirent quelques semaines de repos, contraint de rester jours après jours dans son box. Il s'amusa à regarder les copains partir à l'entraînement. Mais bientôt il s'ennuya. Son ami était toujours là, à le motiver. Mais il n'avait plus envie. Cette sensation d'être un champion l'avait quitté. Il reprit l'entraînement, mais il n'était plus fier.

Une après-midi, il se retrouva de nouveau en course. Ses adversaires étaient nombreux. La foule autour de la piste, aussi. Alors qu'ils tournaient derrière les stalles, Born To Sea croisa le regard d'un poulain bai. Il était élégant. Mais surtout, il avait cette lueur dans les yeux, la même qu'il avait perdu. Il n'eut jamais la force de suivre ses congénères qui galopaient avec plus de facilité. Il baissa pied rapidement, malgré tous les encouragements de son cavalier.

Bien conscient de sa perte de moral, son entraîneur le fit recourir à la fin du mois. Il changeait exceptionnellement de jockey. On lui mit sur la tête un tissu opaque, et il ne pouvait plus entendre ces ovations qui ne lui étaient pas destinées. Son cavalier le posta également en dernière position. On changeait tout. Mais surtout Born To Sea avait accepté. Il n'était pas celui qu'on attendait. Le poulain bai qu'il avait croisé précédemment était, lui, un champion. Il entendait parler de lui à chaque coin de l'écurie. Et il l'avait vu, de loin, voler vers le poteau. Il n'avait pas la même force. Mais il en avait quand même un peu. Lorsqu'il vit ses prédécesseurs faiblir, il se sentit d'attaque. Il les devança en quelques foulées, et en pleine piste continua à accélérer. Il termina cinquième, après avoir fourni un très bel effort.

Born To Sea n'était peut-être pas un champion, mais il pouvait courir contre eux. Muni de son bonnet, il s'élança de nouveau en course avec son jockey fétiche, Johnny Murtagh. Évitant par chance un copain blessé qui s'arrêta net, il put s'élancer et rattraper son retard, échouant au pied du podium.

Lors de sa sortie suivante, il reconnut le beau bai au regard provocateur. Il releva le défi. Enfermé dans sa stalle, à côté de lui, il tourna la tête en sa direction, pour mieux le jauger. Les portes s'ouvrirent et les deux poulains s'éloignèrent aussitôt l'un de l'autre, Born To Sea happé par la corde. Il tira, voulant prendre le commandement, dicter sa loi. Mais son jockey l'en empêcha et le força à se placer dans le dos du champion. Lorsque celui-ci releva la tête et se décala de la corde, prêt à porter son attaque, Born To Sea sauta sur l'occasion et quitta son sillage, sollicité à l'avance. Il ne pourra jamais prendre la moindre avance, pas même progresser sur son rival, mais Camelot s'énerva de le voir aussi tenace et pencha en sa direction, par deux fois, comme dérangé par l'abeille assaillante.
Born To Sea s'avoua vaincu, mais prit de nombreuses longueurs aux trois autres poursuivants.

Un mois et demi plus tard, il courut sur la même piste contre de nouveaux rivaux. Ils n'étaient que quatre et la course fut des plus lente au départ. La tête dénudée, il se fâcha contre le manque de train et s'usa sur le mors. Alors qu'il s’apprêtait à lancer son effort, le cheval qui menait repartit sous son nez. Il dû le laisser filer et se contenter du premier accessit.

Enfin, il s'aligna face de nouveaux champions. Ils étaient plus âgés que lui, certains étaient même adultes. Il était honoré de les affronter. Mais le train qu'ils lui imposèrent fut bien trop soutenu, et il termina bien loin d'eux.

De retour à l'écurie, il boitait. La douleur était revenue. Il apprit la fin de sa carrière. Le voyant triste, son ami tendit l'encolure en sa direction. Born To Sea restait dans l'ombre de son box. Il soupira : " Maman m'a dit d'être courageux. Mais je n'aurai plus jamais l'occasion de savoir qu'est-ce que le courage. "
Son ami frotta ses naseaux contre les siens. " Le courage, c'est d'aller au delà de soit-même. Tu as déstabilisé Camelot. Et surtout, malgré la douleur, tu es resté sur tes jambes jusqu'au bout, pour finir la course et mener ton jockey en sureté. Urban n'est certainement pas déçue. "

Born To Sea regarda l'horizon. On lui annonça sa nouvelle carrière d'étalon. Il fut le plus heureux des poulains, la confiance qu'on lui accordait ne s'était pas dissipé. Il avait une revanche à prendre. Il comptait bien honorer enfin les dernières paroles de sa mère.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents